Avoir la mer en bouche… c’est le sentiment partagé par les habitués du village conchylicole lorsqu’ils dégustent la célèbre « Cap Leucate », l’huître creuse à la chair fine et au goût de noisette. En empruntant la D627 sur la côte audoise, difficile en effet de ne pas faire un détour par les cabanes à huîtres installées le long des rives du « grau ». 12 mois sur 12, les ostréiculteurs accueillent les gourmets dans leur mas pour qu’ils puissent s’approvisionner directement, ou déguster sur place les huîtres de l’étang de Leucate récoltées le matin même et accompagnées d’un verre de vin du terroir. La visite commence ici.
Un endroit typique avec ses cabanes en enfilade
On l’appelle le village conchylicole de Leucate. Les éleveurs d’huîtres, de moules, de palourdes et même de crevettes impériales y sont regroupés depuis les années 60 dans des mas alignés le long du Grau, un chenal qui fait communiquer l’étang de Leucate avec la Méditerranée. Les terrasses sont colorées, ornées de filets de pêche, de bois flottés, de vieilles bouées et d’amas de coquilles d’huîtres. L’odeur iodée invite à la dégustation. Une trentaine d’entreprises familiales se partagent les concessions de la zone conchylicole réparties sur une surface de 550 hectares de l’étang comme Martine Chea, la seule ostréicultrice du site, qui nous reçoit les bottes aux pieds : « Nous avons un métier extraordinaire avec la nature dans un cadre incroyable avec la mer et les montagnes. Même si on ne dort pas beaucoup et que les journées sont très longues entre la culture des huîtres et la tenue de la boutique, la passion l’emporte. Nous nous sommes installés dans ce petit mas en 2006. Nous avons 2 concessions dans l’étang de Leucate, soit 8 tables pour élever les huîtres sur 120 ares. Il faut savoir que la production d’huîtres est complétement aléatoire d’une année sur l’autre. On prend des risques car ce sont des produits naturels. On sait ce que l’on sème mais pas du tout ce que l’on va ramasser car avec la mortalité et les prédateurs de la nature, on ne peut rien prévoir à l’avance. Parmi ces prédateurs, il faut compter avec les daurades qui mangent les huîtres. Ici nous faisons tout. Nous travaillons à partir des naissins d’huîtres qui vont grandir d’année en année en fonction du soleil et du climat en général. Si tout va bien, une huître met 3 ans pour devenir adulte. Nous vendons la plupart de notre production aussi bien aux particuliers qu’aux restaurateurs. Nous proposons à la dégustation toutes les tailles d’huîtres : petites, moyennes, belle moyennes, grosses voire très grosses pouvant peser jusqu’à 500 grammes la pièce ».
On déguste les huitres depuis la préhistoire
L’huître est un mollusque bivalve, qui appartient à la famille des Ostréidés, et qui se fixe sur les rochers ou reste dans des fonds vaseux. Sa consommation est très ancienne. Elle remonte à la préhistoire, notamment par les populations installées en zones côtières. Elles étaient adorées des grecs et des romains qui ont commencé à créer des parcs d’élevage. Au Moyen Age et à la Renaissance, on mange des huîtres au quotidien en France sur le littoral, mais elles représentent une denrée de luxe pour les riches urbains. La cour se les arrache, les monarques s’en délectent, et l’on raconte que Louis XIV en faisait venir tous les jours de Cancale à dos de cheval. Il était capable d’en engloutir six douzaines avant son repas. C’est au 19èmesiècle, sous Napoléon III, que seront développées les premières techniques ostréicoles. Elles ont failli disparaitre à plusieurs reprises de par leur fragilité. Aujourd’hui, les huîtres sont consommées aussi bien crues que cuites et occupent une place de choix sur les cartes de nos restaurants.
Avec pas moins de 7 régions différentes de production d’huîtres, la France est le premier pays producteur et consommateur d’huîtres creuses en Europe. Chacun de ces bassins ostréicoles a ses spécificités pour le plus grand bonheur de nos yeux et de nos palais : L’huître de Normandie au goût salé et à la couleur du gris au bleu vert (huître spéciale d’Isigny, huître de Saint-Vaast etc.) ; l’huître de Bretagne du nord et du sud qui peut être plate ou creuse (La Cancale ou la Belon) ; l’huître de Vendée au goût équilibré et bénéficiant d’une chair ferme et croquante (l’huître Vendée-Atlantique) ; l’huître de Charente-Maritime avec un goût de jeune noisette et une couleur inimitable, bleu-vert profond grâce à une micro-algue spécifique des claires (huîtres Marenne-Oléron, les Fines de Claires etc.) ; l’huître d’Arcachon aux parfums délicats et rafraichissants de légumes et d’agrumes ; enfin l’huître de Méditerranée avec un léger goût de noisette et une couleur cendrée (huître de Cap Leucate, huitre de Gruissan, huitre de Bouzigues etc.).
Recette proposée par Philippe Garret pour SarradeLa recette