Que seraient risotto, paëlla, bouillabaisse, biryanis et tajines sans le safran ? Très prisé des chefs et bien connu des gastronomes, le roi des épices est très souvent utilisé à des fins culinaires par les plus grands cuisiniers du monde. Avec un prix équivalent à cent fois celui de la truffe, plus cher que le caviar, voire même plus couteux que celui de l’or, le safran mérite bien son surnom d’or rouge. Son prix peut atteindre 30 000 euros le kilo !
Si l’Iran domine le marché avec une production estimée entre 90 et 200 tonnes par an, le Maroc, l’Espagne, l’Inde, la Grèce, l’Azerbaïdjan et l’Italie sont d’importants pays producteurs. Cette épice, que l’on pourrait croire trop exotique pour le climat de l’hexagone, est aussi cultivée en France. Elle est issue du Crocus Sativus Linnaeus, une plante à végétation inversée, qui fleurit d’octobre à novembre en magnifiques corolles violettes. Ses feuilles poussent d’octobre à mai, puis elle entre en dormance, disparaissant sous la terre jusqu’à l’automne suivant. Le safran proprement dit est le pistil de la fleur, formé de trois stigmates d’un rouge flamboyant.
« C’est le travail sur la fleur qui fait son prix ! » raconte Eve Boismartel, qui produit et commercialise son safran dans le Tarn sous le nom « Safran du Terroir Tarnais ». Car si les fleurs en elles-mêmes n’ont aucune valeur, son tarif exorbitant est en partie dû à son ancestrale technique de récolte. La cueillette ne peut en aucun cas être automatisée et demande délicatesse et précision. « Selon la richesse du terroir, 140 à 290 fleurs sont nécessaires pour obtenir 1 gr de safran sec. Son prix élevé s’explique par la difficulté d’extraction des pistils (filaments rouges), qui s’effectue manuellement. C’est la partie la plus longue de la production, appelée « l’émondage ». On sépare le pistil de la fleur avec un petit ciseau courbé. On le sèche immédiatement au four à basse température (pas plus de 50°) pour ne pas casser son arôme unique. Un travail de titan qui doit s’effectuer la même journée que la récolte. Il faut savoir que le safran perd 85% de son poids initial ».
La culture du safran est peu mécanisable. L’entretien des terres, la plantation des bulbes et le désherbage se font à la main. « Notre safran est désherbé manuellement et il ne subit aucun traitement. Il ne reçoit que de l’engrais naturel (fumier de cheval et cendres de bois). Durant la floraison, on récolte tous les matins les fleurs. Elles sont cueillies une à une minutieusement au lever du soleil. On ne connait jamais à l’avance les quantités à cueillir : certains matins 2 fleurs et le lendemain 5000… difficile d’anticiper le temps et la main d’œuvre nécessaire » explique Eve Boismartel. Comme tout produit de luxe, le safran est victime de contrefaçon. On peut trouver du safran moins cher sur les étals mais il est souvent de qualité inférieure, les spécifications relatives à la pureté du produit n’ayant pas toujours été respectées.
Au-delà de ses valeurs gustatives, le safran réserve de nombreuses propriétés. Connu depuis l’antiquité pour ses vertus thérapeutiques, le safran est surtout utilisé par les laboratoires aujourd’hui pour ses grandes qualités d’antidépresseur et d’anxiolytique. Mais il est aussi emménagogue, stimulant, antispasmodique, hypotenseur et analgésique. Bu en thé froid, il permet de stimuler l’intellect ; chaud il est aphrodisiaque pour les femmes et bu bouillant, il aurait le don de révéler les médiums… Exhausteur de goût, il peut être ajouté à tous les ingrédients aussi bien salés que sucrés : coquilles Saint-Jacques, moules, poissons, spaghettis, risottos, aubergines, terrines, pain d’épices, miel, vinaigre, confiture, miel, fleur de sel… le safran est l’une des épices des plus savoureuses et des plus subtiles de notre patrimoine culinaire. Ne tardez plus à la découvrir…
Annie Mitault