S’inspirant de ses nombreux voyages et de la Bourgogne, sa terre d’adoption, William Frachot régale à travers une cuisine d’ouverture et de partage. Son secret de la réussite ? Un carnet d’adresses de producteurs que beaucoup lui envient. Chaque matin avant de passer son tablier de cuisinier, il prend le temps d’échanger avec ces artisans de la terre qui lui réservent des produits d’exception. Cette proximité se retrouve dans les assiettes servies à l’Hostellerie du Chapeau Rouge. Au-delà du respect du produit et de la saisonnalité, le chef et sa brigade s’attachent à toucher le client pour le plus grand plaisir de leurs papilles. Entretien avec William Frachot, chef de l’Hostellerie du Chapeau Rouge à Dijon (21), labélisé « Table de Prestige ».
Racontez-nous votre plus ancien souvenir gustatif…
Lorsque j’avais 7 ans, mon grand-père, qui était très ami avec le directeur du Grand Hôtel de Monaco, nous a emmené à la brasserie qui se trouvait tout en haut du bâtiment. Nous avons vu arrivé un énorme soufflé à la framboise pour 4 personnes que nous avons dégusté avec gourmandise. Le goût de ce dessert, la qualité du service et le superbe décor m’ont littéralement époustouflé !
Vous êtes issu d’une famille de restaurateurs. A quel moment avez-vous décidé de poursuivre l’aventure familiale derrière les fourneaux ?
L’élément déclencheur a été ma scolarité pitoyable… et les engueulades monumentales qui en découlaient à la maison… En voyant des jeunes qui peinaient à trouver du travail, j’ai pris conscience de l’importance de faire quelque chose et d’apprendre un métier. Et pour calmer l’ambiance à la maison, je me suis décidé à faire comme mes parents. J’ai donc intégré l’école hôtelière de Dijon. La révélation m’est venue lors d’un stage à l’Hôtel de l’Univers à Tours, et ce, grâce au chef Monsieur Clément mon maître de stage, qui a su me parler et me transmettre sa flamme pour la cuisine. A cette époque, j’ai rencontré Alain Duguay, mon binôme de stage. Nous étions inséparables et avions formulé le vœu de travailler ensemble. 24 ans après, il m’a rejoint au Chapeau Rouge pour devenir mon second.
Vous avez travaillé chez des grands de la gastronomie française mais également à l’étranger. Comment toutes ces expériences ont elles influencé votre façon d’exercer ce métier ?
Bien que je représente la 4ème génération d’une famille de restaurateurs dijonnais, il est vrai que j’ai un parcours professionnel plutôt atypique fait d’aller et retour entre la France et l’étranger. Très jeune j’allais déjà faire des extras dans les restaurants étoilés de la région. Il faut dire qu’il fallait mieux m’occuper pour m’éviter de faire des bêtises… A 21 ans, je me suis retrouvé propulsé chef d’un restaurant d’application dans une école hôtelière à Derby en Angleterre. Un projet un peu fou surtout à mon âge. En 1995 et 1996, j’ai fait un passage chez Bernard Loiseau, Fabrice Gillotte et Jacques Lameloise en attendant mon visa pour le Canada. Ils m’ont appris la rigueur, l’origine des produits et les techniques de base. Ils m’ont renforcé sur le côté terroir. Avec eux j’ai découvert les grands classiques, la cuisine de Georges Blanc, d’Alain Chapel etc. Puis je suis parti à Montréal où j’ai eu la chance de travailler avec Normand Laprise, à mes yeux le meilleur chef outre atlantique. Très investi et passionné, il m’a transmis le respect des produits, les cuissons, le partage, l’échange… Au Canada, il n’y a pas ce côté hiérarchique, la rigueur quasi militaire du métier que l’on nous enseigne en France. Là-bas on prenait le temps de travailler avec les produits, on les goûtait, on « communiait » tous ensemble autour de nos créations. J’ai ramené au Chapeau Rouge toutes ces connotations culinaires de l’étranger. Elles ont considérablement influencé ma cuisine et ma façon d’exercer mon métier. A mon retour du Canada, je me suis longuement promené à Dijon. J’ai pris le temps de (re)découvrir ma ville et de bien réfléchir avant de prendre les commandes de l’Hostellerie du Chapeau Rouge.
Comment qualifier la cuisine du Chapeau Rouge ?
La cuisine du Chapeau Rouge est née à Montréal… C’est un mixe de toutes mes rencontres culinaires. Je veux du goût et de l’émotion dans mes assiettes. Les personnes de ma brigade ont obligation de goûter les produits. Lorsque nous créons un plat, nous le mangeons avant le client et nous l’améliorons jusqu’à ce qu’il soit parfait. Puis le sommelier vient le goûter à son tour pour apporter son grain de sel et son ressenti. Pas un plat ne sort de ma cuisine sans que le sommelier n’ait donné son avis. Aujourd’hui je suis revenu à des fondamentaux de la cuisine française. Une cuisine simple, mijotée et centrée sur le produit.
Justement, les produits du terroir occupent une place de choix sur votre carte. Comment sélectionnez-vous vos fournisseurs ou producteurs locaux ?
Je suis fasciné par tout ce qui est bien fait ! Tous les matins à 7 heures c’est un plaisir d’aller chercher ce dont j’ai besoin. Quand je vais voir de nouveaux produits c’est un peu Noël ! J’aime me rapprocher des producteurs atypiques comme mon éleveur de volailles anciennes. J’ai quasiment un producteur différent par animal, deux maraichers bio… sur la région bourguignonne qui recèle de vrais trésors gustatifs. Mon intérêt pour les bons produits commence à se savoir. Certains producteurs locaux viennent spontanément me voir pour me présenter leurs productions.
Citez-nous un produit que vous n’aimez pas et que vous n’avez jamais cuisiné…
Le Brocolis !!! Je le déteste et je trouve que cela n’a rien à faire dans une assiette !
Comment attirer votre attention lorsque que l’on est un jeune passionné de cuisine et désireux d’apprendre ce métier à vos côtés ?
Le métier demande de la réflexion et englobe en fait plusieurs autres métiers. Je donne la chance à ceux qui ressentent des choses et qui montrent une réelle fascination pour les produits ou pour la gastronomie en générale. Je préfère prendre sous mon aile quelqu’un qui a des faiblesses, mais qui en veut et qui va me surprendre ; plutôt que celui ou celle qui va se contenter de déposer un cv au restaurant sans insister ni se battre pour me rencontrer et me montrer sa motivation.
Citez-nous votre accord fromage et vin préféré ?
J’aime allier le fromage avec la bière. Par exemple de l’Epoisses ou du Soumaintrain avec une bière ambrée comme celle de la Brasserie Artisanale de Bourgogne. Ou encore un fromage de chèvre accompagné d’une bière blonde.
Si demain je vous invite à déjeuner à la maison, quels sont les plats et/ou les desserts qui vous rendent heureux ?
Un bon poulet rôti avec des frites !
Quelle est votre actualité ?
Pas d’actualité particulière hormis le remplacement de nos arts de la table il y a quelques mois avec l’aide d’un designer. Ce changement apporte une vraie luminosité dans la salle de restaurant. Côté carte, nous continuons à « manger du soleil ». Avec des températures de 30°C à Dijon on exploite au maximum les produits de l’été comme les crustacés et les poissons. Et même si nous sommes déjà en septembre le gibier attendra un peu. Je démarrerai le lièvre à la royale quand j’allumerai ma chaudière !
Annie Mitault
Crédit photos : © Julien Faure